Une juste reconnaissance du travail de nos artisans du terroir.
La pénibilité du travail d’agriculteur n’est pas chose nouvelle, et la rémunération de celui-ci n’est qu’exceptionnellement en lien avec les conditions de production ; le plus souvent, il est dépendant de l’offre et de la demande du marché. Mais cela n’est peut-être pas définitif !
La reprise des exploitations par les jeunes générations est en constante diminution
Depuis 2016, le Collège des Producteurs, alerté par les agriculteurs, a mobilisé une énergie nouvelle pour défendre les conditions de travail de ce métier indispensable. Pour cela, un système valorisant économiquement le travail des producteurs a été proposé. On le sait, la reprise des exploitations par les jeunes générations est en constante diminution. Plusieurs facteurs expliquent ce désamour, notamment la faible capacité d’attraction des revenus agricoles. Selon la dernière étude régionale, « L’état de l’agriculture wallonne » , – devenue un indicateur classique de l’état de santé de notre agriculture depuis sa première publication en 1963 -, la moyenne salariale de nos producteurs est loin derrière le revenu moyen des travailleurs d’autres secteurs (appelé « revenu comparable »).
Un écart progressif entre le revenu agricole et le revenu comparable
Depuis près de 3 décennies, le revenu agricole est en baisse. Le rapport met en lumière deux raisons principales : le changement dans les directives européennes en matière agricole (et notamment la suppression des aides couplées, en 2003, exposant les producteurs aux fluctuations du marché) et la réforme agricole de la fin du siècle passé. L’écart est maintenant conséquent, et se creuse : s’il représentait 68% du salaire comparable en 2018, le revenu moyen agricole était de 21 132 €/UT (unité de travail) en 2019, équivalent à 44% du revenu moyen non-agricole, de 47 768 €/UT à la même époque.
C’est en partant de ce constat qu’a été mis en place en 2017, dans le cadre d’un partenariat entre le Collège des Producteurs et ces derniers, le label Prix Juste. Son objectif est clair : dynamiser le débat autour de la problématique salariale, avec pour « but de donner la possibilité aux producteurs de faire valoir leurs coûts de production comme base de négociation avec leur premier acheteur ».
Des valeurs centrales au sein du label : équité, dynamisme, coopération, fiabilité et qualité
Acheter des produits avec le label Prix Juste Producteur est un acte économique vis-à-vis des producteurs
Il n’est donc plus question de courir derrière les prix du marché, mais de mettre en avant les coûts évolutifs des différentes productions agricoles wallonnes. Ce label permet d’identifier pour les consommateurs les produits proposant une juste rémunération aux travailleurs mais pas seulement : la labélisation est soumise à une série de conditions socialement et écologiquement saines. Emmanuel Grosjean, coordinateur au sein du Collège des Producteurs, l’explique sur le site web de l’organisation : « Acheter des produits avec le label Prix Juste Producteur est un acte économique vis-à-vis des producteurs mais aussi un acte sociétal vis-à-vis de la durabilité de notre alimentation de proximité ».
Les quelques 700 agriculteurs actifs au sein de cette initiative doivent suivre un cahier de charges, listant 15 points indispensables pour la labélisation. Citons, notamment, la clarté sur l’origine et la traçabilité des produits, des délais de payement courts, une gouvernance démocratique entre producteurs, ou encore l’assujettissement des prix aux coûts de production et à la qualité des produits. Cette démarche vertueuse amène, d’une part, les consommateurs à se rendre compte du véritable coût de notre alimentation et, d’autre part, les producteurs à tendre vers encore plus de qualité.
Ce label témoigne d’une bonne image de marque transmise aux consommateurs
En palliant à l’écart de revenu entre les prix imposés par le marché et ceux que les producteurs attendent pour exercer une activité viable, le Prix Juste est un atout économique pour les agriculteurs, tout en étant une promesse de transparence, de qualité et d’origine raisonnée des produits. L’un des exploitants labélisés, producteur de pomme de terre et acteur au sein de la coopérative « Société du Terroir de Geer », avant-gardiste dans la manière de produire les meilleurs tubercules possibles, notamment à destination du marché du frais, explique : « C’est intéressant pour la pomme de terre, dont le prix est très fluctuant. Cela permet aussi de refaire du lien avec le consommateur, et de ce fait, de nourrir la fierté d’être agriculteur. Ce label témoigne d’une bonne image de marque transmise aux consommateurs. Et cela rejoint l’envie des consommateurs, de plus en plus intéressés par des produits locaux ».
Entre innovation sociale, volonté d’indépendance vis-à-vis du marché mondial et dynamisme coopératif, notre territoire wallon montre une belle résilience face aux divers défis et aléas de l’agriculture contemporaine.
Pour en savoir plus :
- Le label Prix Juste : https://prixjuste.be/
- La société du terroir de Geer : https://terroirdegeer.be/
- La réforme agricole des années 90 : https://www.cairn.info/revue-courrier-hebdomadaire-du-crisp-1998-24-page-1.htm