La belgitude voyage bien
Depuis qu’elle a déposé ses valises sur nos terres belges, la pomme de terre n’a cessé d’évoluer, en chaque point de la chaîne de production et d’approvisionnement. Mais de quoi est fait ce marché florissant, que représente-il dans nos régions ?
Nous nous sommes entretenus avec Pierre Lebrun, coordinateur à la Fiwap, la filière wallonne de la pomme de terre, afin de décrypter les dynamiques économiques du marché de la pomme de terre. Et les nouvelles sont bonnes ! Les chiffres sont flatteurs pour les acteurs de la filière : en 2020, on dénombre 2.130.000 tonnes de frites surgelées, 165.000 tonnes de frites fraîches, réfrigérées, et 650.000 tonnes d’autres produits transformés (croquettes, flocons, purées, chips, …) produits par l’industrie de la pomme de terre belge.
Un secteur de poids pour l’économie agricole
Si ces statistiques donnent le vertige, il convient de rappeler l’importance jouée par le tubercule au sein du marché de l’emploi belge. Ainsi, sur la même période, la pomme de terre polarisait autour d’elle près de 3.300 ouvriers et 880 employés, tous bien décidés à mettre en avant leur savoir-faire reconnu, acquis au travers des siècles qui constituent la formidable histoire du tubercule au Plat Pays. Occupant 44.019 hectares, soit 5.4% du parcellaire wallon, et représentant une grande partie de l’alimentation annuelle belge, on comprend bien le poids du secteur au sein de notre économie agricole.
Un meilleur auto-approvisionnement en pommes de terre fraîches.
Des avancées génétiques et agronomiques permettant à la fois des rendements plus élevés mais également des opérations facilitées
La Belgique a énormément évolué dans sa capacité à s’auto-approvisionner en pommes de terre fraîches, depuis une vingtaine d’années et sous l’impulsion des producteurs de pommes de terre de table. Ces derniers, conscients du coût élevé de l’approvisionnement chez nos voisins que sont la France, l’Allemagne et les Pays-Bas – principaux partenaires d’échanges commerciaux en ce qui concerne la pomme de terre – sont parvenus à produire des tubercules locaux. Les leviers d’action à leur disposition résidaient, et résident toujours, dans une pomme de terre faiblement irriguée, des avancées génétiques et agronomiques permettant à la fois des rendements plus élevés mais également des opérations facilitées à tous les niveaux de la chaîne de production (lavabilité, emballage, stockage, conservation). L’occasion de rappeler du même coup l’excellente coopération entre producteurs, chercheurs et préparateurs.
Malgré ces avancées colossales, la Belgique continue à importer en moyenne deux fois plus de pommes de terre qu’elle n’en exporte. Et si la consommation de pommes de terre fraîches est en diminution, d’autres parts de marché sont apparues, notamment les plats préparés et les préparations véganes, répondant aux besoins des consommateurs et de la grande distribution.
Première de classe sur le marché du surgelé
La grande majorité du volume de production national trouve son utilisation dans les usines de transformation
La grande force belge réside dans sa place de leader mondial dans l’export de produits surgelés. Et si ce marché est aussi florissant, c’est grâce aux progrès technologiques et au travail forcené des amoureux de la pomme de terre. La grande majorité du volume de production national trouve son utilisation dans les usines de transformation. Les eaux utilisées sont de plus en plus recyclées, les usines de transformation de plus en plus performantes, et des produits de transformation se sont fait une nouvelle place, sur un marché autorisant les producteurs à récupérer des parties de production autrefois invendables. A titre d’exemple, la pomme de terre destinée à fabriquer du flocon de pomme de terre peut se vendre cette saison entre 100 et 140 euros la tonne, contre – à titre de comparaison – environ 250 euros pour les lots fritables. Une aubaine écologique et économique !
Une reconnaissance internationale pour un tubercule raisonné.
Produire la frite la moins chère du monde
Tous ces facteurs d’évolution nous permettent de produire la frite la moins chère du monde, concurrençant ainsi des cadors du milieu comme les Pays-Bas et les Etats-Unis. Moins périssable, voyageant plus facilement, la pomme de terre belge rayonne peu à peu sur de nouveaux continents commerciaux, comme en Asie du Sud-Est, dans des pays enclins à savourer notre belgitude. Et si ces franges innovantes d’écoulement des produits se développent, l’ambition n’est pas de grandir sans réfléchir. Après avoir frôlé les 100.000 hectares de pommes de terre en Belgique, nous en sommes maintenant revenus à une occupation du sol plus modeste, avoisinant les 92.000 hectares.
Car une expansion infinie n’est pas envisageable : les agriculteurs suivent la règle d’or de la rotation des cultures, permettant ainsi aux nouvelles cultures de rendre à la terre les différents éléments puisés par la pomme de terre et de stabiliser la structure du sol. Cela limite de facto la capacité de planter des tubercules chaque année (on compte une rotation minimum de 4 à 5 ans).
Et les transformateurs participent également à l’évolution positive du secteur, en réduisant années après années les éventuelles nuisances dont les usines peuvent-être responsables.
On peut affirmer en conclusion que, mue par un formidable élan collectif qui regroupe des professionnels de tous les milieux, la pomme de terre a de beaux jours devant elle, fièrement soutenue par les consommateurs, au sein et en dehors de nos frontières.